Paxkal Indo : “L'inspecteur d’académie a décidé de mettre par terre dix ans de lutte "
MEDIBASK - Goizeder TABERNA (photographie Bob EDME)
Le rythme des tambours va retentir à Bayonne ce vendredi 4 mai. Les élèves et les parents des ikastola vont offrir une danborrada à travers les rues de la ville, à partir de 17 heures. Une sorte de “manifestation culturelle” qui a plus de la manifestation que du culturel, car la fédération des écoles en langue basque n’a, pour l’instant, obtenu que quatre postes sur les 25 qu’elle réclame. Le président de la structure, Paxkal Indo, s’inquiète des difficultés à prévoir à la rentrée prochaine, mais surtout pour l’avenir de la convention qui encadre l’attribution des postes pour le moyen terme.
Cette année, l’argent récolté à Herri Urrats le 13 mai prochain aidera au développement du collège Manex Erdozaintzi Etxart de Larceveau. Concrètement, quels sont les investissements prévus ?
Paxkal Indo : Herri Urrats sert à 85% à payer les locaux. Concernant le collège de Larceveau, nous allons agrandir les bâtiments qui accueilleront bientôt 220 élèves, alors qu’ils étaient construits pour 200, à l’origine. Ces dernières années, les ikastola du premier degré s’agrandissent, et mécaniquement, les besoins croissent au collège.
Pour la rentrée 2018, aucune création de postes d’enseignants n’était prévue alors que Seaska en réclame 25. Or, la semaine dernière, l’inspection académique en a annoncé quatre.
P. I. : Les négociations ont commencé en octobre. Au départ, ils nous avaient promis tout ce qu’il nous fallait pour le lycée, plus quatre postes pour le primaire. Puis, en janvier, le gouvernement a décidé du gel des postes dans l’Administration. En mars, on nous a dit que nous n’aurions aucun poste supplémentaire. Mercredi dernier, nous avons reçu un courrier nous indiquant que nous aurions quatre postes. Lorsqu’on demande 25 postes et qu’on ne nous en donne que quatre, je préfère dire qu’ils les gardent…
L’inspecteur académique, Pierre Barrière, affirme qu’à Seaska, il y a 18 élèves en moyenne par classe au primaire.
P. I. : A force de dire ce genre de choses, il va se retrouver avec des manifestations dans son institution. Ce point de vue est faux, car si l’on met une ikastola de huit élèves au milieu d’autres qui en ont 22, la petite ikastola fait baisser la moyenne. Il suffit qu’on ait de temps en temps quelques classes en sous-effectifs, pour faire baisser la moyenne générale.
Si on veut savoir en moyenne combien il y a d’élèves par professeur, il faut écarter les ikastola les plus petites. Et nous nous rendons compte qu’on est dans la moyenne des autres systèmes éducatifs. Si on prend la moyenne des effectifs en Soule, dans les écoles publiques, elles aussi ont de très petits effectifs. La question n’est pas là. Nous pouvons prouver à Monsieur Barrière que nous avons des classes en sureffectifs. Quand il verra que l’intégralité des classes de Seaska seront dans la rue le 4 mai, il verra bien qu’il a tort. Quand on est bien dans son école, on n’a pas besoin d’aller manifester.
Il met également en avant que depuis 2011, Seaska a bénéficié de 30 postes supplémentaires pour une augmentation de 500 élèves.
P. I. : D’une part, nous comptabilisons un peu plus de 500 élèves et, d’autre part, les 30 postes correspondent essentiellement à des créations d’ikastola, d’un nouveau collège et de nouvelles formations en bac pro. Dans ces filières professionnelles, en général, nous n’avons pas de classe de 40 élèves… C’est trop facile de calculer comme cela. Il essaie de nous faire croire qu’on est très gourmands en postes. On ne l’est pas plus que les autres. En revanche, nous avons une fonction, un but précis, celui de rendre les enfants euskaldun. Nous, nous savons le faire, contrairement à l’école publique qui ne rend pas les enfants euskaldun, ou en tout cas pas en majorité. 100% des élèves qui sortent des ikastola sont francophones et bascophones.
Pour qu’on puisse le faire, il faut qu’il respecte la convention que nous avons signée avec l’Etat. Le gros problème est que l’inspecteur d’Académie ne veut pas de cette convention, parce qu’il trouve que nous en demandons trop. Aujourd’hui, nous avons un inspecteur académique qui a décidé de mettre parterre dix ans de lutte de l’Office public de la langue basque et des rectorats précédents, juste parce que cela lui facilite la vie afin de nous réduire le nombre de postes. Il préfère détruire cette convention plutôt que de nous trouver une solution dans ce cadre-là.
Justement, vous aviez quitté la table des négociations concernant cette convention. Où est-ce qu’elles en sont ?
P. I. : Rien n’a changé. Sans les postes dont nous avons besoin pour la rentrée prochaine, il n’y a pas de négociation. Aujourd’hui, nous allons vers une fin de la convention en vigueur, et il n’y en aura pas d’autre, pour l’instant en tout cas.
Tous les ans, vous devrez donc batailler pour obtenir les postes que vous réclamez.
P. I. : Tous les ans nous devrons manifester, occuper des locaux… Mais nous sommes prêts à le faire.
Vous avez présenté la création de l’agglomération Pays Basque comme une avancée pour l’enseignement en langue basque. Est-ce qu'elle joue un rôle dans les négociations entre Seaska et l’Etat ?
P. I. : L’agglomération n’a pas de compétence scolaire ; cette dernière est attribuée aux communes pour le premier degré, au Département pour les collèges et à la Région pour les lycées. En revanche, elle a en charge tellement de domaines qu'elle est partie prenante dans beaucoup de dossiers liés à la scolarisation. Seaska travaille donc avec elle.
En plus, nous pourrions très bien imaginer qu’elle organise, demain, un regroupement pédagogique intercommunal unique [avec les 158 communes]. Elle s’occuperait des écoles publiques mais aussi privées. On peut imaginer que l’agglo prenne demain beaucoup plus de compétences dans ce domaine, mais pour cela, il faudra que les communes le veuillent. Or, celles-ci préfèrent garder cette compétence.
Vous demandez également la mise en place d’une inspection académique se limitant au périmètre du Pays Basque Nord. Où en est cette proposition ?
P. I. : Il s’agit d’une revendication de Seaska. Elle est partagée avec les élus locaux, tels que le sénateur Max Brisson qui est, en plus, inspecteur général de l’Education nationale. L’idée ne va pas dans le sens de l’esprit jacobin du gouvernement actuel, mais il faut continuer à la revendiquer car ce serait une des solutions au problème.
Vu les difficultés que vous avez à chaque rentrée scolaire, est-ce que Seaska peut se permettre d’ouvrir de nouvelles ikastola alors que les moyens ne suivent pas ?
P. I. : La question est : si l’on ne scolarise que 10 % des élèves et qu’il en faudrait 30 % pour sauver la langue basque, peut-on se permettre de faire autrement ? Nous avons une fonction, nous avons un objectif que nous nous sommes fixé en tant qu’association et qu’on nous a attribué en tant que partenaire de la politique linguistique : celui de former des locuteurs bascophones complets. Donc, est-ce que nous avons le droit de refuser un seul enfant qui voudrait être bascophone, par le choix de ses parents ou par son choix ? Non, nous n’avons pas le droit de refuser un enfant que nous pourrions potentiellement rendre bascophone. Comment, en France, on peut placer les langues territoriales dans le patrimoine de la République et ne pas donner de moyen à ceux qui les maintiennent vivants ?