Le recteur d’Académie campe sur ses positions. Pourquoi avez-vous décidé de continuer à vous réunir avec lui pendant le mois de septembre ? Quel est l'ordre du jour de ces réunions ?
HUR GOROSTIAGA (Directeur de SEASKA) : Nous nous sommes réunis cette semaine pour discuter de la rentrée, mais nous ne partageons pas le constat. Là où le recteur ne voit pas de problèmes, nous, nous en voyons beaucoup. D’un côté, nous avons eu cette année 200 élèves de plus que l’année dernière, on a eu l’ouverture d’une section professionnelle, l’ouverture d’une ULIS en primaire, on va dédoubler les classes dans les collèges... et dans le primaire aussi, on a une augmentation d’effectifs. Pour répondre à tout ça, on a 5,5 postes. Alors, on ne sait pas comment faire avec 5,5 postes. Le recteur dit qu’il n’y a pas de problème, qu’il n’y a pas de postes à attribuer en plus et qu’il faut voir ça avec Paris. Donc le constat n’est pas partagé.
Le recteur propose que l’on signe une nouvelle convention. Nous nous disons oui, mais avec quelles garanties ? Parce que ce n’est pas tout d’écrire une convention et de la signer, après il faut la respecter. En tout cas, sur la dernière année de la convention actuelle, celle-ci n’a pas été respectée. Il ne peut pas nous donner les garanties que l’on demande. Donc le seul point d’accord est qu’on va faire une évaluation partagée de l’ancienne convention avant la fin du mois, et à partir de là, on commencera à travailler la nouvelle convention en essayant, lui de son côté et nous du nôtre, d’obtenir des garanties de Paris.
Voyez-vous cette non prise en charge des postes demandés par Seaska comme un véritable manque de moyen de la part de l’Education nationale ou comme un manque de volonté politique ?
H.G. : Au niveau du rectorat, il s’agit d’un manque de moyens. Paris ne leur donne pas les moyens, tout simplement parce qu’à ses yeux, les ikastola n’existent pas. Paris a deux lignes budgétaires, le "programme 140" pour les postes dans le public, et le "programme 139" pour les écoles confessionnelles. Si jusqu’à maintenant, il y avait une enveloppe pour les écoles privées non-catholiques (c’est-à-dire les écoles juives, arméniennes, coraniques) dans lesquelles les écoles Diwan et nous-mêmes étions inclus, cette année, avec l’ère Macron et l’ère Blanquer, apparemment cette enveloppe a disparu. Donc ils ne nous ont donné qu’1,5 poste de Paris. Les langues régionales n’existent donc plus, pour Paris. C’est ce que nous voulons transmettre demain au ministre. Est-ce que pour lui, les 3 200 élèves de l’ikastola existent, ou n’existent pas ? Est-ce que pour lui les 38 établissements, du primaire au collège en passant par le lycée, existent ou n’existent pas ? Qu’il nous réponde.
Quel bilan faîtes-vous de la convention précédente ?
H.G. : C’est toujours compliqué une convention, parce qu’il y a les modalités d’application, et l’Office public de la langue basque [OPLB] joue le rôle d’intermédiaire dans les négociations. Il est vrai que la convention a été positive parce qu’elle a permis qu’il y ait des postes en face des élèves, mais aussi l’ouverture d’un lycée professionnel, d’un collège à Bayonne, l’ouverture d’ikastola, ces dernières années. Mais le changement est radical depuis l’arrivée de Blanquer, puisqu’ils ont fait comme s’il n’y avait pas de convention. C’est vrai que la dernière année d’application est catastrophique. A quoi bon faire une convention si après ils ne la respectent pas !
Que signifierait concrètement pour Seaska un non-renouvellement de la convention qui la lie à l’Education nationale ?
H.G. : Vu la rentrée qu’on a eu cette année, pour nous, ça veut dire conflit ! Et quand il y a conflit pour Seaska, il y a conflit pour l’Education Nationale. A vrai dire, on a tout essayé, on a fait une manifestation avec la tamborrada à Bayonne, avec 6 000 personnes, on a été voir le ministre des Finances chez lui à Saint-Pée-sur-Nivelle, on a bloqué les écoles... Je ne sais pas ce qu’on peut faire de plus, mais c’est clair qu’à Paris, ils n’en ont rien à faire des langues régionales.
Seaska finance pour le moment les postes refusés par l’Education nationale pour cette rentrée 2018. Qui finance l'équivalent de ces 19,5 postes manquants ? Dans le cas où cette dernière resterait sur ses positions, comment imaginez-vous la suite de l’année scolaire ?
H.G. : Seaska est une association d’intérêt général, et on entend dire qu'elle est primordiale, indispensable… La politique linguistique repose sur la création de locuteurs complets. Seaska est le premier producteur complet de locuteurs bascophones, donc ce n’est pas un problème de l’ikastola, ni un problème de Seaska, c’est un problème du Pays Basque. Les institutions du Pays Basque et les membres de l’OPLB devront en tirer les conséquences et trouver des solutions pour qu’on ait les enseignants qu’il nous faut face à ces élèves.
Sur les 25 postes, on en a mis 20 en route, dont 5,5 financés par l’Education nationale. 14,5 postes sont financés par Seaska, et sur ces 14,5 postes, dix sont dans notre budget et 4,5 sont hors-budget. Donc si l’Education nationale ne les prend pas en charge et que chaque année elle fait des ajustements, nous solliciterons la région et la communauté d’agglo, pour trouver des solutions.
Justement, vous avez sollicité les différentes institutions publiques (région, département, agglomération, OPLB...) pour assumer la charge de tous ces postes dans le cas où l'Education nationale n'évolue pas. Quelles sont les réponses de ces institutions ?
H.G. : Pour l’instant, on n’a eu aucune réponse. Je sais qu’il y a eu quelques déclarations dans la presse du président de l’OPLB qui dit qu’ils sont à la recherche d’une solution, mais à l’heure actuelle, on n’a pas de réponse.
Les parents d'élèves sont appelés à se mobiliser à nouveau ce samedi à Pau. Ne craignez-vous pas un essoufflement ? Seaska peut-elle encore monter le ton ?
H.G. : Un essoufflement, non. Parce que le problème est toujours là. Même si cette année on n’obtient rien, même s’il n’y a pas d’autre solution l’année prochaine, on sera toujours là. Quand le ministre Blanquer partira et le président Macron aussi, Seaska sera toujours là. C’est une question de temps, peut-être. Nous serons présents à Pau samedi matin, même si on n’est que quelques dizaines. J’espère que les médias parisiens qui seront là n’auront plus d’excuses pour en douter. C’est vraiment le black-out. On a appelé une rédaction parisienne pour leur proposer de faire un papier, mais ils nous ont répondu que les langues régionales ne les intéressaient pas.