Les représentants du monde culturel basque ont présenté à la presse le 9 mars dernier les contours du grand rassemblement revendicatif du 22 avril prochain.
Sébastien Castet (Euskal Konfederazioa)
Egun on et merci d’être présent.e à cette importante conférence de presse. Euskal Konfederazioa et ses membres vont vous présenter la manifestation du samedi 22 avril prochain à Bayonne.
Prendront la parole Peio Jorajuria pour la fédération Seaska des écoles immersives "ikastola", Ihintz Oliden pour l'association AEK d'alphabétisation des adultes, Maddi Bordagarai pour l'association Uda Leku organisatrice de loisirs en langue basque, Ximun Carrère pour le collectifs des medias d'expression basque Euskal Hedabideak, Luxi Detxart pour l'association des parents d'élèves Biga Bai des écoles bilingues publiques et Christelle Pucheu pour l'association des parents d'élèves Euskal Haziak des écoles bilingues privées.
Peio Jorajuria (Seaska)
Cela fait plusieurs années que nous revendiquons le droit pour nos élèves de passer les examens en euskara. Élèves, parents, enseignant.es, salarié.es, les associations Seaska, Biga Bai, Euskal Haziak ainsi que l’ensemble des associations membres d’Euskal Konfederazioa s’associent à cette revendication pour l’application de ce droit fondamental. Et outre le mouvement associatif, le soutien est également unanime de la part des élu.es locaux et des institutions locales.
Mais malgré ce large soutien et les belles paroles entendues jusqu’à présent, rien ne bouge. Paris continue de faire la sourde oreille et ne daigne même pas nous donner une réponse.
Passer l’ensemble des épreuves du brevet et du baccalauréat en basque est un droit, un droit qui est actuellement bafoué. Mais c’est aussi un indicateur parmi d’autres reflétant la situation d’injustice que subit notre langue et ses locuteurs.rices.
Ces deux dernières années la situation s’est tendue. Aux multiples rassemblements et mobilisations se sont ajoutées les occupations de l’an dernier, occupations réprimées violemment par la police alors que les occupant.es ne faisaient que revendiquer l’application d’un droit légitime. Toujours l’an dernier, la Communauté d’Agglomération du Pays Basque a pris le chemin de la désobéissance en soutenant les examens alternatifs et en septembre une délégation d’élu.es du Pays Basque Nord a été reçue au Ministère de l’Éducation Nationale.
Mais malgré l’impression positive au sortir de la réunion, la situation est toujours bloquée : aucune nouvelle concernant le brevet et, concernant le baccalauréat, aucune intention de respecter la circulaire de 2021 donnant la possibilité de présenter « des épreuves » en euskara.
L’heure d’une mobilisation massive est venue : il faut que Paris entende notre volonté et notre détermination à pouvoir passer les examens en euskara et à vivre en euskara, car, malheureusement, si la question des examens est un symptôme de la situation de blocage dans laquelle se trouve l’euskara, ce n’est pas le seul...
Sébastien Castet (Euskal Konfederazioa)
Il faut replacer le blocage du droit à passer les examens en euskara dans un contexte plus global. Les entraves du gouvernement français au développement de la langue basque sont nombreuses, que ce soit en interdisant de passer les examens en euskara, en ne pourvoyant pas à tous les besoins de l’enseignement bilingue ou encore en refusant un cadre juridique adéquat pour le plein développement des langues territoriales. Mais à ce refus au niveau hexagonal, il faut ajouter la passivité des collectivités locales. Le mouvement associatif est privé des moyens adéquats qui lui permettraient de développer pleinement son action et ainsi de donner aux bascophones la possibilité de vivre plus aisément en euskara.
Ce samedi 22 avril nous revendiquerons le droit de passer les examens en euskara car nous n’acceptons pas cette censure appliquée à notre jeunesse. Mais nous serons dans la rue également pour dire “stop” à toutes ces entraves car c’est l’ensemble de la politique linguistique qui est attaquée et affaiblie.
En effet, comme évoqué, nous souhaitons vous alerter sur la situation de précarité dans laquelle se trouve l’ensemble du mouvement associatif garantissant la transmission et l’usage de l’euskara au quotidien. Par manque de moyens, celui-ci ne peut développer pleinement son action et accomplir correctement ses missions. En 2017, à l’occasion du renouvellement du Contrat Territorial, mouvement associatif et élu.es locaux avaient acté le besoin d’au moins doubler le budget de l’Office Public de la Langue Basque. Sept années se sont écoulées et le budget de l’OPLB stagne alors que dans le même temps, en réponse à une demande sociale toujours grandissante, l’activité du mouvement associatif s’intensifie : il est demandé aux associations d’en faire toujours davantage mais sans leur en donner les moyens...
Le mouvement associatif se trouve actuellement dans une situation de précarité, les salarié.es ne sont pas correctement rémunéré.es et dans certains cas les associations sont contraintes à ne pas respecter la grille salariale de leurs conventions collectives respectives.
Si lors de la création de l’OPLB les institutions avaient salué le travail du mouvement associatif, elles s’étaient aussi engagées à s’impliquer plus activement dans la politique linguistique publique. Mais aujourd’hui nous constatons que cette dernière s’est construite sur la précarité de mouvement associatif et de ses salarié.es.
Ihintz Oliden (AEK)
L’enseignement aux adultes joue un rôle primordial dans le développement de l’euskara. Cette année, AEK dispense 30.000 heures de cours à quelque 1.400 adultes. Le défi de la réappropriation de la langue basque est immense et AEK est un acteur majeur. Mais faute de moyens ses salarié.es assurent leurs missions dans des conditions précaires et les élèves doivent débourser de l’argent pour simplement vouloir apprendre la langue du territoire dans lequel ils vivent. La feuille de route de l’enseignement aux adultes a pris 10 ans de retard et le cadre légal fixant les niveaux de certification linguistique ne permet pas le financement des cours par le biais de la formation professionnelle. Les promesses de l’OPLB que nous voyions comme pionnier et véritable pilier du renouveau de la langue basque n’ont pas été tenues. A quand une politique linguistique ambitieuse assurant les moyens d’apprendre l’euskara ?
Maddi Bordagaray (Uda Leku)
Uda Leku est la seule association à proposer dans ses centres d’accueil et pendant ses séjours des loisirs en euskara aux enfants et aux jeunes. Après un travail de trois ans en partenariat avec l’OPLB et la CAPB, l’association ne bénéficie toujours pas des financements de droit commun. Une politique linguistique ambitieuse aurait déjà permis l’ouverture de 22 centres -un par canton à minima- contre 5 seulement aujourd’hui. Une politique linguistique ambitieuse permettrait à l’association de rémunérer ses salarié.es à hauteur des indices de la grille salariale de la convention collective de l’animation et non en-dessous comme actuellement.
Uda Leku ne peut à elle seule combler ce déficit de subventions publiques et à court terme c’est l’avenir même de la structure qui est incertain alors qu’elle fête cette année ces quarante ans d’existence.
Devons-nous être victime de la politique linguistique publique ?
Ximun Carrère (Euskal Hedabideak)
La situation de diglossie générale subie par l’euskara se retrouve également à l’échelle des médias. Il est indispensable d’octroyer les mêmes moyens à la presse en langue basque qu’à la presse en langue française. Quelles sont les aides octroyées à France Bleu et France 3 comparées à celles octroyées à Euskal Irratiak et Kanaldude ? Quelles rentrées financières pour Sud Ouest via la publicité institutionnelle comparées à celles de Berria, Ipar Euskal Herriko Hitza, Kazeta.eus ou Herria ? Ces aides sont indispensables à cette presse qui assure la transmission de la langue basque le maintien du nombre de locuteurs-rices, tout comme lui est indispensable la mise en place de subventions spécifiques.
La politique linguistique publique n’a-t-elle pas pour mission de soutenir une langue discriminée comme la langue basque ?
Luxi Detxart (Biga Bai)
Ces dernières années les attaques à l’encontre de l’enseignement bilingue se sont multipliées. Dans le public, la réforme du baccalauréat a mis en concurrence l’euskara avec l’anglais et cela a eu pour conséquence une perte importante au niveau des effectifs dans la filière bilingue au lycée. Dans le primaire, également beaucoup d’obstacles lors de l’ouverture de classes immersives... sans compter les projets d’ouverture à venir ! D’année en année le ministère de l’Éducation Nationale revoit les moyens à la baisse et à terme ce sont les postes d’enseignant.es qui sont menacés !
Christelle Pucheu (Euskal Haziak)
Dans le privé catholique, nous venons d’apprendre que les filières immersives des écoles d’Arbonne et Ossès risquaient de disparaître.
Un seul enfant non inscrit en bilingue et c’est la classe entière qui doit suivre tous les cours en français. Pour un enseignement en basque, en revanche, il faut l’aval à la fois des parents, des enseignant.es, de la mairie et de l’inspection académique...
Au final, c’est l’offre d’un enseignement en basque qui chute. Une de missions de la politique linguistique n’est-elle pas de faciliter les ouvertures et d’aider à la généralisation de l’offre ? L’euskara doit être perçue comme un investissement pour l’avenir et non comme une charge...
Peio Jorajuria (Seaska)
Une double mission est confiée aux ikastola : celle d’enseigner et celle de former des locuteurs.rices bilingues. Les ikastola sont les seules à assurer un enseignement immersif de la maternelle au lycée, les seules à garantir que les élèves issus de familles unilingues francophones deviennent bascophones. Mais les ikastola ne disposent pas de moyens suffisants pour mener à bien cette double mission : en plus de devoir lutter constamment pour l’obtention de postes d’enseignant.es, les moyens octroyés en terme d’enseignant.es spécialisé.es, formateurs.rices, Rased... sont très en-deça de ceux octroyés aux écoles publiques et catholiques.
Et comme si cela ne suffisait pas, la sous-préfecture est devenue un vrai bureau d’inquisition, celle-ci n’hésitant pas depuis deux ans à multiplier des courriers à l’adresse des communes sur lesquelles sont implantées une ikastola pour leur demander d’augmenter les loyers.
A niveau hexagonal Seaska est la plus ancienne fédération d’écoles immersives associatives et celle qui scolarise le plus d’élèves mais, paradoxalement, celle qui perçoit le moins d’aides publiques.
Le rôle de la politique publique n’est-il pas d’aider au développement des ikastola au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues ?
Sébastien Castet (Euskal Konfederazioa)
Quel avenir pour la politique linguistique publique si les associations qui la font vivre ne disposent pas de moyens suffisants ? Quels moyens sont-ils envisagés pour les nouvelles structures (Topagunea, Plazara, la fédération des crèches et MAM bascophones Konkolotx, etc...) ?
Si l’État poursuit sa politique d’éradication des langues territoriales comme la langue basque, les institutions locales (CAPB, Département, Région), en n’octroyant pas les moyens dont l’euskara a besoin, en ne lui donnant pas toute sa place dans leurs politiques publiques et ne proposant rien afin d’améliorer son statut, ralentissent son développement.
En Bretagne la Convention linguistique 2022-2027 a été adoptée entre les collectivités locales et l’État. En Occitanie une convention de ce type est actuellement étudiée. Qu’en est-il pour le Pays Basque ? Quelle est la stratégie de nos collectivités territoriales à nous ? Laisser la langue basque mourir à petit feu ?
Les résultats de la dernière enquête sociolinguistique seront bientôt publiés. Comment espérer une des résultats positifs sans faire les investissements nécessaires ? Les institutions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu !
L’heure est à la mobilisation ! Le samedi 22 avril nous avons tou.te.s rendez-vous dans les rues de Bayonne pour défiler ensemble sous le slogan Azterketak euskaraz! Euskarari trabarik ez ! (Les examens en langue basque ! Pas de blocage à la langue basque!)